article préalablement publié sur Medium en Mai 2018
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Next Journalism n’est pas une dotation financière. C’est avant tout impulsion, un souffle. Une accélération. La récompense est un séjour de quelques jours à Havard ainsi qu’à Paris, et un accès à l’écosystème de l’innovation et du journalisme dans les deux villes, autour de la Nieman Foundation for Journalism et du CFJ.
L’appel à candidatures est arrivé sur mon radar quelques jours avant la date limite. Je venais de passer trois jours de « hack Hack the Radio », à Marseille, dans les locaux du Wagon. Avec Alexandre et Florent, nous avions codé et testé le prototype du projet quelques semaines plus tôt. Ces trois jours ont été consacrés à explorer les enjeux des contenus audio, concevoir l’API et la base de données, et définir les fonctionnalités clés. Mais le plus délicat restait de préciser le produit final à intégrer dans notre roadmap.
Nous avions décidé de ne pas développer une application native mais d’imaginer de combiner les deux approches du projet : l’approche de sélectivité, de propositions éditoriales (“push”) et l’approche de service, de personnalisation et de recommandation (“pull”), un média et un service. Nous voulions trouver un moyen immédiat de proposer notre recommandation sonore en évitant de se lancer dans de longs développements.
Chatbot as a media.
C’est ainsi que nous avons commencé à dessiner les contours du projet de chatbot audio, en imaginant une nouvelle expérience, à travers une interface simplifiée, conversationnelle, disponible sur smartphone et ordinateur.
Nous avons posé sur le papier ses principales fonctions et quelques séquences narratives. Le chatbot pourrait discuter, apprendre, rechercher, suggérer des news et des programmes, et proposer l’écoute à travers un lecteur audio.
Le format de messagerie-conversation a une similitude avec la radio : messages courts, directs, langage courant, interactivité. Ses messages pouvaient “enrober” les contenus audio à faire écouter, en imaginant une nouvelle forme de storytelling. #bobino.

L’idée émergeait, nous séduisait, et la candidature était l’occasion de la tester. 48h pour remplir le formulaire. Le petit coup de pression utile.
L’été passe au son des podcasts qui résonnent dans la Nurserie d’Audiens où Hack the Radio est hébergé pour une année. Je commence à constituer le panel des podcasts et prépare la suite du développement du projet, sans imaginer que le chatbot reviendrait si tôt dans la partie.
Mi-septembre, je reçois un mail de pré-sélection. L’entretien téléphonique avec le jury sera décisif. Hack the Radio remporte le Next Journalism Prise
Remporter un prix, retombées et accélération
Next Journalism est tout sauf un prix de « journalistes ». C’est un état d’esprit aux frontières du journalisme et de l’action d’entreprendre au service des médias. Il s’inscrit dans la philosophie du Centre de Formation des Journalistes (CFJ) qui a fait naitre en 2016 l’école W, une école post-bac qui forme aux métiers des contenus et de la création numérique.
Radio France a été mon école de journalisme. A travers mon parcours à Radio France, à l’antenne et aux programmes, durant mes années au Mouv’, canal historique, une radio nativement numérique, où je suivais en parallèle un DUT SRC/MMI (métiers du multimédia et de l’internet), une formation pluri-disciplinaire où les projets à mener, en solo ou en équipe m’ont permis de réaliser des expérimentations précieuses avec la radio. Tout autant qu’à la direction des Nouveaux Médias, avec le projet RF8 ou les programmes éditoriaux web (webdocs, longformats, série vidéo, etc). Enfin, à la direction du numérique, ma dernière mission sur l’innovation ouverte m’a fait basculer de l’intrapreneuriat à l’entreprenariat.

Remporter le prix chamboule le planning. Lors de la remise du prix en Octobre, il y avait un projet sur le papier, mais rien de concret à dévoiler. Juste avant l’annonce, on monte rapidement une page d’attente avec un champ “email”, pour que les fameux “prospects” ne repartent pas sans nous laisser une petite offrande amicale, seul moyen à disposition pour leur donner en retour des nouvelles du projet.
Les retombées presse vont permettre de faire découvrir le projet aux premières oreilles curieuses.
Le passage sur France Culture et Soft Power nous permet d’observer le flot d’inscriptions durant l’émission et les heures qui ont suivi, puis les inscriptions perlées de la réécoute en podcast.
L’interview donnée au Nieman Lab, le laboratoire de journalisme innovant d’Harvard, dévoile le projet de chatbot à un public international, composé de journalistes, producteurs de podcasts, technophiles, et startups de l’audio. Il donne lieu à Paris, à des rendez-vous avec des médias audiovisuels et des éditeurs de presse en pleine interrogation sur la vague audio que promet l’arrivée des assistants vocaux et l’émergence de la scène du podcast indépendant. Nous réalisons une maquette du chatbot pour présenter les principales fonctionnalités et automations, constatons qu’il suscite l’intérêt des éditeurs, mais qu’il faudra tester l’usage de ce canal de distribution pour les utilisateurs. Pour arriver à nos fins, il faut doter le chatbot d’un cerveau : notre api en cours de réalisation

Durant cette période bousculée nous démarrons le programme de pré-incubation chez Willa (ex-Paris Pionnières). Les séances d’ateliers et les échanges avec les experts nous aident à adopter une approche pragmatique pour notre future solution: la produire sans attendre.
Notre première proposition sera un site web de playlists hebdomadaires de podcasts ré-éditorialisés, à écouter et en ligne, dont l’objectif est de tester notre recommandation en répondant à ces questions : Est-ce que Hack The Radio va proposer des sélections sonores assez intéressantes pour que les utilisateurs passent par HTR? Les indicateurs de lecture permettront-ils de faire une meilleure recommandation ? D’autres données peuvent-elles le faire ? Est-ce que les données récupérées représentent un contenu intéressant pour les médias et leur écosystème ?
Nous avons une deadline fixée à mi-janvier pour une interview sur la radio suisse. Le site est en ligne, nous invitons les curieux à devenir les “alpha-testeurs” de Hack the radio. Maintenant, direction Harvard.

Harvard Breakfast Club
Direction Boston, Massachusetts. Cambridge et le MIT dont les chercheurs font souvent l’actualité scientifique. Havard et son campus sont ancrés dans un imaginaire collectif que l’on se construit avec le cinéma, les séries ou les étudiants célèbres. On a en tête les allées et les pelouses verdoyantes aux arbres centenaires, les bâtiments en briques rouges, les confréries d’étudiants, les “library’ si typiques.
J’ai rencontré à Harvard et Boston des journalistes des geeks, des hackers, des chercheurs, des entrepreneurs de l’audio, des podcasteurs de service public ou indépendants. Avec ses écoles, son université, ses laboratoires, ses grandes entreprises et ses start-up, implantés sur un territoire réduit, Cambridge et Harvard tissent un écosystème particulier où les disciplines se croisent et s’entremêlent.
La semaine a commencé avec une visite du MIT Media Lab (qui accueille notamment le MIT Game Lab et l’Open Documentary Lab) et une rencontre avec des chercheurs du MIT Comparative Media Studies/Writing dont vous pouvez suivre les travaux par ici

Harvard sous la neige, la dernière semaine de janvier. Le mardi, on marchait dans la neige, vendredi c’était déjà le dégel.
Dans les allées d’Harvard Yard, le froid chasse l’étudiant, et la neige étouffe le son. Puis le ruissellement de la fonte fait crépiter les bosquets.
Deux visages, deux ambiances en quelques degrés.
Dans cet environnement, vous pouvez assister à tout un tas de conférences plus atypiques, ou spécialisées les unes que les autres. Je m’étais inscrite au Workshop Ed Tech Mini Design Studio, proposé par une chercheuse en “Education Tech”, avec laquelle j’avais échangé au préalable pour savoir si Hack the Radio pouvait rentrer dans ce champ, en lui expliquant que nous essayions de créer une expérience d’écoute des contenus de la radio, du podcast, des contenus de divertissement, mais aussi de culture et de savoirs. Louisa m’avait répondu “if one of its goals is around audio content as a form of public education, then I would say it is very much an ed tech project!”
Le workshop se déroule en petit groupe : Pitch, “clarifying questions” et surtout feedback, pratique que les anglo-saxons affectionnent et qui nous déroute parfois. Un “parler-libre” et un lâcher-prise qui prendra la forme d’un braintorm en groupe, avec des exemples de projets similaires, des suggestions de ressources et de partenaires.
Podcast & Radio
Un des acteurs incontournables de la radio et du podcast aux Etats-Unis réside à Boston. C’est PRX (Public Radio Exchange), qui a développé une place de marché pour la distribution et la gestion de licences de programmes de radio, ainsi qu’un réseau de diffusion de podcasts (Radiotopia)
PRX est aussi une communauté d’auditeurs et de producteurs. L’entreprise à lancé un lieu d’expérimentation, le Podcast Garage, un studio d’enregistrement qui propose également des ateliers et des évènements autour du podcast.


Après la visite du Podcast Garage, je rejoins le créateur de PRX, Jake Shapiro, installé au Harvard Launch Lab. (Harvard a aussi ses incubateurs). Depuis deux ans, Jake développe RadioPublic, une application de découverte et d’écoute des podcasts, et de monétisation pour les créateurs.
C’est l’occasion de se parler de curation, de recommandation et d’algorithmes autour de nos prototypes, et d’échanger autour des usages de l’audio et podcast aux Etats-Unis et en Europe.
L’écosystème de la radio et du podcast aux Etats-Unis est vraiment très différent de celui de la France; Le territoire, la connectivité sont de vrais déterminants. Mais surtout la radio publique incarnée en France par les 7 stations nationales de Radio France n’existe pas. Il y a les stations NPR (National Public Radio public), des radios “fm” qui produisent leurs propres programmes ou en diffusent des pré-produits en “syndication”. Ces acteurs produisent “nativement” des podcasts. Chez WBUR, la radio NPR de Boston, il y a une équipe dédiée au podcast, et une stratégie orientée sur des publics que le média touche plus difficilement par la diffusion en FM. On y découvre une organisation que l’on ne voit pas en France : les open spaces des fundraisers, en quête de mécénat. Ici, pas de redevance audiovisuelle…

Une semaine “as a Nieman Fellow”
Imaginez en tant que journaliste, que vous puissiez passer une année universitaire à Harvard et Cambridge, dans un tel écosystème. Vous pouvez assister à des séminaires, des masterclass et des conférences, rencontrer des chercheurs et des entrepreneurs et vous inspirer de tout cela pour faire émerger un projet innovant de journalisme ou de média. Ou simplement réintégrer votre entreprise de presse fort de ce programme inédit : c’est l’expérience “Nieman Fellow”.
Chaque année, la fondation “Nieman for Journalism” à Harvard, invite 24 journalistes (12 américains, 12 internationaux) à intégrer le programme Fellowships. Recrutés pour leur parcours professionnels et leurs personnalités, ils reçoivent une bourse qui leur permet de s’installer avec leur famille pour une année de césure.
Le prix Next Journalism a vu le jour grâce aux anciens boursiers français mobilisés pour faire vivre cette expérience durant une semaine aux lauréats.


J’ai choisi de rejoindre les Nieman Fellows une semaine en février. Ils recevaient Jay Lauf, le président de Quartz. Ce média, se définit comme “un guide pour la nouvelle économie et les gens excités par le changement”. Quartz se décline en plusieurs propositions: une chat’application de news, qui relaie des articles de presse d’autres médias et leurs propres productions, sait manier les émojis et les gif animés pour engager dans la lecture. Mais Quartz peut aussi se définir comme en magazine conçu pour le mobile et la tablette, avec de la publicité qui se voit peu (native advertising), les Quartz Obsessions (newsletters quotidiennes) son magazine Quartz at Work, mais aussi par ses contributions d’outils de datavisualisation disponibles en open source sur Github. Les boursiers Nieman avaient beaucoup de questions à poser autour des propositions éditoriales et innovantes, mais aussi autour des sources de revenues du média. Rencontre inspirante et instructive dont ici un aperçu de la rencontre.
Quelques jours plus tôt, dans cette même salle de Lippmann House, Florence Martin-Kessler, présidente du jury, (Nieman Fellow 2011) présentait le projet qu’elle a a fait mûrir durant son année à Harvard: Live Magazine, un magazine vivant composé de récits et de performances, réalisé sur scène, sans captation, le temps d’une soirée. Quant à moi, je présentais le projet de recommandation audio Hack the Radio, qui faisait entendre ses premiers sons avec le site que nous venions de mettre en ligne.

Quelques semaines après ce séjour immersif, le site HacktheRadio compte ce printemps 2018 près de 500 membres alpha-testeurs qui découvrent et écoutent chaque semaine des sons et des playlists de podcasts que nous composons avec quelques critères drastiques, car elles combinent l’approche éditoriale et les paramètres que nous souhaitons tester.
Les participants peuvent nous proposer des “sons” ou des podcasts qui intègrent parfois les playlists, parfois notre panel de podcasts pour l’API. Cela nous permet de faire de jolies découvertes et d’être confrontés à des cas de contenus avec des spécificités que nous n’avions pas rencontrés. A suivre. Stay Tuned;
